Le Mont Aiguille

Le Mont Aiguille. Pillier Sud. Lors d’une randonnée faite avec des potes pendant le mois de septembre j’étais arrivé au refuge avec de l’énergie à revendre. Les copains étaient partis pour faire une partie de tarot… Là pour le coup moi cela me branchait vraiment très moyennement. Un ancien arrive tranquillement au refuge et nous voit, il prend la sage décision de monter un peu plus haut pour trouver un refuge plus calme. Je lui propose de l’accompagner, il accepte sans discuter et nous entamons la montée.

Nous montons tranquillement, Il a un sac, pas moi. Nous montons par de très jolis sentiers et nous arrivons à cet endroit précis où nous apercevons le Mont Aiguille. Je suis scotché par cet espèce de rocher qui semble sortir du sol comme poussé par un ressort invisible. Il est retraité, enseignant et me raconte que ce Mont Aiguille c’est l’origine de l’alpinisme.

Plus tard j’apprendrai que c’est Antoine De Ville qui fera la première ascension sur ordre du roi Charles VIII

De mon côté je trouve qu’effectivement cela a l’air bien sympathique. Nous continuons notre randonnée puis le soir de notre départ nous allons dîner dans une petite pizzeria ou je vois un couple de grimpeurs avec l’air bien fatigué. Nous entamons la discussion et ils me racontent qu’ils viennent de faire l’ascension, je les envie un peu.

Rentré à Paris, je croise mon camarade Hubert et je lui dis que le Mont Aiguille c’est bien joli ! Je lui demande s’il a déjà fait cette ascension, la réponse est positive. Il me lance un ‘si cela te branche dis le moi’.

Les mois passent et visiblement cela reste dans nos têtes respectives. L’hiver passe et durant le courant du mois d’avril nous reparlons de cette sortie possible.

Après quelques phrases échangées nous nous mettons d’accord sur les dates. Pour la suite tout va se faire au feeling en mode improvisé pour ma part. Sachant que nous allons faire ce truc je commence à regarder un peu sur le net les voies qui sont proposées et tout est en mode huit longueurs et plus. Bon il faut dire que le mont faisant plus de 200 mètres, c’est plutôt logique. De mon côté c’est l’inconnu et je me demande bien ce que huit longueurs peuvent bien représenter. J’imagine que ce n’est pas du gros devers pendant 200 mètres et qu’en étant bien calme et en posant proprement ses pieds la chose devrait être réalisable.

J’en parle à mon tonton Philou, et il me déconseille vivement de faire ce truc. C’est dangereux il y a des pierres qui tombent et à côté il y a bien plus joli à grimper. J’écoute ses conseils avisés et je sais qu’il a raison. Je vois sur des sites persos que d’autres personnes l’ont fait qu’ils sont encore en vie et je devrais si je reste sage m’en sortir.

Nous fixons le départ pour le samedi matin, le rendez vous est donné sur une aire de l’A6.

Nous effectuons le trajet accompagné du deuxième concerto pour piano de Rachmaninoff, que de souvenirs me remontent avec cette musique, que de souvenirs… Nous papotons gentiment les kilomètres défilent le paysage des plaines et des vallées de France passent sous nos yeux, la vie est partout.

Arrivé au village de Chichilianne nous faisons une pause casse-croûte Hubert se contente d’une boisson, nous regagnons ensuite l’hôtel. Le nom de l’hôtel ? Le gai soleil du Mont Aiguille, je suis vraiment rassuré dans la chambre il y a deux lits ;-)

La journée est déjà bien entamée et nous prenons le départ pour rejoindre le pied du Mont Aiguille, à mi-parcours Hubert jette l’éponge, la marche en pleine chaleur dans un chemin boueux c’est pas son truc. Je continue et je dois avouer que je me dis que le lendemain avec des sacs de matos cette jolie promenade va être un gros échauffement.

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La soirée agrémentée des bons petits plats du chef nous regagnons sagement la chambre 13…

Le réveil est donné pour 7h, un bol de thé une cuillère de miel et des céréales, un café et c’est parti pour deux heures de marche.

 

 

Hubert trouve sans difficulté le départ de la voie. La veille je suis passé devant avec le topo dans les mains sans rien voir, pourtant il est bien écrit à la peinture rouge, « les étudiants », parfois je me fais un peu peur.

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Au pied de la voie c’est impressionnant, le paysage, le calme, les vautours au loin qui planent, les choucas qui passent et s’engouffrent dans les fissures du mont. Nous nous préparons et nous avons la neuf longueurs face à nous.

C’est la première fois que nous faisons une séance de grimpe Hubert et moi ensemble, la première fois que je vais faire une si longue voie, cela fait beaucoup de premières fois.

On s’encorde, Hubert se lance et nous partons dans la voie. Nous avons une corde double de 100 mètres, quelques coinceurs à cames, quelques friends, quatorze dégaines, quelques longes, quelques mousquetons à vis, un sac avec un peu de nourriture.

Hubert enchaîne les premiers mouvement et installe le premier relais. C’est parti, c’est à moi, je vérifie que je suis bien. Le sac sur le dos je commence comme un paresseux, économe, je garde en tête cette petite phrase.

Une sortie montage c’est quatre étapes, une marche d’approche, une ascension, une descente et une marche de retour. La marche d’approche nous venons de la faire, l’ascension c’est l’objectif, mais la descente c’est l’endroit ou il faut rester concentré.

Je rejoins Hubert au premier relais, je profite de chaque mouvement pour respirer, ne pas contracter mes petits muscles et rester le plus lent possible, c’est à dire avoir un cycle de respiration très lent. Au premier relais nous sommes à quelques dizaines de mètres, là, posés, nous procédons à l’échange du matériel. On va faire le mont en réversible, cela veut dire moins de manipulation de corde et aussi que celui qui grimpe enchaîne deux longueurs soit environ cinquante mètres. C’est plutôt réjouissant. Je pars c’est facile, mais le rocher n’est pas bon, il faut tout vérifier, les pieds, les mains. Les prises sont susceptibles de lâcher. Dans l’absolu on pourrait penser que ce n’est qu’un vol, mais dans l’état des choses, je n’ai vraiment pas envie de me faire un petit vol. Les points ne sont pas vraiment très espacés, c’est plutôt de la grimpe simple,

Le second relais atteint je pose tout le bazar et prépare l’arrivée d’Hubert qui arrive quelques instants plus tard. Nous sommes dans du facile pour le moment rien ne pose de difficultés. Nous enchaînons les longueurs, je fais partir par deux fois des pierres, pied droit, et main droite. Prudence. Nous arrivons au longueurs un peu plus difficiles. La grimpe sans être difficile devient plus soutenu, le profil est raide à la limite du déversant. Il y’a beaucoup de prises, mais de mon côté ce que je vois c’est qu’il faut vraiment garder du jus pour après, pour le on ne sait jamais.

Nous sommes à la quatrième longueur, je vois Hubert à quelques mètres de moi à gauche et il cherche les prises qui vont lui permettre de passer. Cela ressemble de l’endroit où je suis à quelques bon pas de blocs, mais si cela passe pas c’est un vol assuré. Après quelques hésitations cela passe et le reste s’enchaîne. Il est à l’aise l’animal ! C’est mon tour je me lance, je passe le passage de bloc, être en second sur ce coup là et avoir vu les mouvements cela change tout, mais quelques mètres plus haut, il y a quelques mouvements un peu rotor et je passe en force car je ne veux pas traîner là dessus, à finauder pour trouver les mouvements les moins énergivores. Je rejoins Hubert et je me lance pour la suite qui est nettement plus facile, cela contraste. Je pose le relais attend mon camarade. Nous arrivons dans une section bien verticale, je sais qu’il ne reste plus que deux longueurs. Cela tombe plutôt bien c’est le moment de sortir les watt car la grimpe devient nettement plus sportive et il faut être en mode hermétique.

On regagne la sortie qui est une espèce de réta piscine. Pour faire simple c’est un rétablissement qui se fait dans un amas de petites pierres. Hubert est juste en dessous, je le préviens que c’est vraiment tendu, il m’engueule en me disant de ne faire partir aucune pierre. Sur ce coup il dit vrai ! Je rejoins le relais et commence à l’assurer. Effectivement aucune pierre n’est partie. Pour la petite histoire en regardant ensuite sur camptocamp, il insiste qu’il est inévitable de faire partir des pierres sur la dernière longueur c’est vrai. J’ai vu passer une pierre à quelques mètres. C’est la première fois que j’entendais une pierre siffler. Maintenant je sais ce que c’est et je ne suis pas fan…

Nous  arriverons après une promenade dans un pierrier qui jette les pierres quelques deux cents mètres plus bas, sur un début de plateau. Ca y est nous y sommes sur le plateau du Mont Aiguille. Nous avons le plateau pour nous seul, quel luxe. Perchés au dessus de la barre des deux milles mètres, on se pose, mangeons, fumons quelques clopes et là, montre oblige, nous entamons la phase de retour. Rester plus longtemps voir passer la nuit la m’aurait vraiment bien plu. Le lever de soleil à cet endroit par une journée sans nuages comme aujourd’hui, doit être un vrai cadeau.

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En écrivant cette phrase je me rend compte qu’excepté en avion je ne suis jamais allé plus haut que sur le pic Carlit..

Sur le plateaux la végétation est sommaire, mais quelques gentianes bleues sont présentes le bleu est vraiment beau, cela me parle beaucoup. Après quelques recherches sur le net, je découvrirai que ces gentianes bleues sont endémiques à cette partie du Vercors et quelles se nomment ‘Gentiana verna’ le bleu est celui d’un bleu Klein.

Nous y sommes, terminée la pause c’est le moment de descendre. Nous effectuons après un passage dans une petite cheminée les deux grands rappels qui nous conduiront au sol. Je retiendrais de ce passage de mettre en premier un nœud Machard avant de placer mon descendeur.  Les deux descentes en relais effectuées nous reprenons le sentier de descente.

Nous arrivons à l’hôtel c’est déjà l’heure du dîner. Cette journée je ne l’ai pas vu passer, comme si les choses étaient en suspens, la sensation de n’avoir rien fait de particulier, de juste avoir laissé filer le temps.

Si cette journée c’est si bien passée c’est clairement grâce à Hubert, sa pratique et cet espèce de flegme. Je pense que de son côté il devait aussi se demander avec qui il allait partir :-)

En nous séparant le lendemain dans notre regard et notre poignée de main, il y avait la complicité du bon moment partagé. Merci Hubert sur ce coup là, Merci !

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